NATIONAL
Droits humains
Le
Nouvelliste | Publié le : 07 mars 2014
Alors que le gouvernement clame des
avancées considérables sur le respect des droits de l’homme en Haïti, la
communauté internationale n’est pas pour autant convaincue. Un rapport du
bureau de la démocratie des droits de l’homme et du travail du Département
d’Etat américain relève les impairs de l’administration Martelly au cours de
l’année 2013.
Des allégations de recours à la force contre des suspects
et des manifestants ; la surpopulation et le manque d'hygiène dans les prisons
; la détention préventive prolongée ; un système judiciaire inefficace, des
élections sénatoriales et municipales retardées depuis octobre 2011, la liste
des dérives reprochées à l’administration Martelly est encore longue. Dans ce
rapport, les représentants des droits de l’homme passent au peigne fin les
nombreux forfaits qui éclaboussent le pouvoir en place.
Ils sont critiques envers le gouvernement et relèvent que
des fonctionnaires locaux et municipaux dont les mandats ont pris fin depuis
mai 2011 ont été remplacés par des personnes nommées par l'exécutif. Dans la
foulée, ils dénoncent le retard des élections pour combler les 10 sièges
vacants au Sénat. « Ce vide au niveau du Parlement, révèle le rapport, a
provoqué d’importants problèmes de quorum au Sénat ».
Les rapporteurs
ont pointé du doigt le président Martelly qui, a maintes reprises, a tenté de
s’immiscer dans les décisions des membres du Collège transitoire du Conseil
électoral permanent(CTCEP) après avoir lui-même ordonné sa formation. Dans la
même veine, le chef de l’Etat a convoqué son propre groupe de travail pour
étudier et réviser le projet de la loi électorale pendant deux mois, alors
qu’il avait engagé la société civile et les représentants des partis politiques
à rédiger cette même loi pour ensuite l’acheminer à l'exécutif. Un acte que la
société civile, les partis politiques d'opposition et les parlementaires ont
vertement critiqué, soutenant que le président Martelly avait l'intention de
retarder le processus électoral. « Malgré les nombreuses promesses du
gouvernement, souligne le rapport, les élections se font encore attendre. »
Dans ce rapport,
les représentants des droits de l’homme dénoncent des fonctionnaires de l’Etat
et des agents de la PNH qui pratiquent des violations flagrantes des droits du
citoyen. Parmi les actes perpétrés par des fonctionnaires de l’Etat et de la
police, certains cas retiennent l’attention. En avril dernier, Mérius, un
résident du camp Acra, situé dans la région métropolitaine, est mort en garde à
vue après un passage à tabac par des agents de la PNH lors de son arrestation.
Selon des ONG
internationales, indique le rapport, la victime a été arrêtée pour avoir
participé à une nuit de protestations. L’inspecteur de la PNH, Jean-Faustin
Salomon, a fait croire que Mérius avait été tué par d'autres participants lors
de la manifestation. Cependant, des témoins ont certifié avoir vu Mérius
grièvement blessé à son arrivée au commissariat de police. De plus, ils
affirment que Mérius jetait des détritus dans sa poubelle quand les forces de
l’ordre l’ont emmené de force pour ensuite le placer en garde à vue. A la fin
du mois de mai, son avocat et d’autres victimes de la manifestation ont reçu
des menaces de mort parce qu’ils racontaient publiquement la vérité sur
l’incident. « A date, aucune investigation n’a été faite », poursuit le
rapport.
Les affaires Walky Calixte, Vanel Lacroix, Enold
Florestal et le dossier de la fusillade de Marie Sony Dorestant en février 2012
par le juge de paix suppléant de Chantal, Barthélemy Vaval, sont autant de cas
de violation des droits de l’homme irrésolus que mentionne le rapport du
Département d’Etat américain. Aussi, le rapport fait état des cas de
maltraitance tandis que la loi interdit de telles pratiques. « Il y a plusieurs
rapports d'ONG internationales et nationales selon lesquels les membres de la
PNH auraient frappé et maltraité des suspects ou des détenus. Plusieurs
rapports ont indiqué que des agents de correction utilisent les châtiments
corporels et la violence psychologique pour maltraiter les prisonniers ».
Les défenseurs des droits de l'homme ont aussi proposé au
gouvernement haïtien de remanier le code civil haïtien, qui, selon eux, date de
1880. Cette vétusté, indique le rapport, empêche les représentants de
l’appareil judiciaire d’être à jour. « La Constitution nie explicitement que la
police et les autorités judiciaires peuvent interroger un suspect, sauf si un
avocat ou un représentant de son choix est présent ou si le suspect renonce à
ce droit ».
Des journalistes n’ont pas non plus été épargnés des
dérives des forces de l’ordre et des fonctionnaires de l’administration
Martelly. « Plusieurs journalistes ont fait l'objet de menaces, de harcèlement
et d'agression physique en raison de leurs rapports tout au long de l'année
2013 », stipule le rapport. En janvier de la même année, la cour d'appel de
Hinche a abandonné les charges contre l'ancien maire de Thomonde, Jean Soverne
Delva, accusé d’avoir caché et protégé un membre de son équipe de sécurité,
Jean-Robert Vobe, après que ce dernier eut grièvement blessé Wendy Phèle, un
correspondant de Télé Zénith a Thomonde en avril 2011. Soverne Delva a été
reconduit à son poste.
Si le gouvernement prévoit des sanctions pénales contre
la corruption des fonctionnaires, la loi n’a cependant pas été appliquée avec
efficacité. Des fonctionnaires se trouvent toutefois impliqués dans des
affaires louches. Les cas de Laventure Edouard, dit Mòlòskòt, de Alcidonis
Henry, un ancien fonctionnaire de l'éducation dans le département du Nord,
soupçonné d'avoir détourné 10 millions de gourdes des fonds du programme
d'éducation gratuite du gouvernement n’ont pas pu être retracés.
Bien que le gouvernement continue de mettre en œuvre des
réformes juridiques, administratives et de gestion visant à accroître la
reddition de comptes dans plusieurs ministères et institutions
gouvernementales, la corruption demeure très répandue dans toutes les branches
et à tous les niveaux de l’administration publique.
Joubert
Rochefort
jrochefort@lenouvelliste.com
jrochefort@lenouvelliste.com
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