vendredi 28 février 2014

Permis de conduire, en veux-tu en voilà





NATIONAL

Le Nouvelliste | Publié le : 27 février 2014



Ils sont nombreux les conducteurs à ne pas pouvoir lire un panneau de circulation ou ne maîtrisant pas le moindre principe du code de la route. Ils sont aussi nombreux ceux qui détiennent un permis de conduire alors qu’ils n’ont jamais été derrière un volant. Il suffit de se procurer entre 5 000 et 7 500 gourdes pour payer les services d’un policier ou d’un tiers.


 Nicole, 32 ans, a renouvelé son permis de conduire il y a déjà trois ans. Pourtant, elle ne sait pas conduire. La femme, qui habite Delmas 24, avait tout simplement souhaité s’acheter une voiture quand un ami lui a proposé de lui octroyer un permis. En trois jours, Nicole avait effectivement son document en main après avoir payé quelque 4 000 gourdes à l’époque, dérogeant aux procédures administratives qui, selon elle, sont un peu compliquées et trop lentes. 

Jacqueline n’a pas non plus fréquenté une auto-école pour obtenir son permis de conduire. Elle n’a à subir non plus un quelconque test au Service de la circulation. Elle sait au moins conduire et roule sa Toyota Rav 4 blanche depuis tantôt trois ans qu’elle l’a achetée après avoir trouvé un emploi en 2011. « Mon frère m’a appris à conduire, confie Jacqueline. Par la suite, j’ai payé à 7 500 gourdes les services d’un policier qui m’a livré le permis au bout d’une semaine.» 

« Les tralalas théoriques des auto-écoles et les procédures administratives sont lassants et prennent trop de temps, estime Jacqueline, qui travaille à Pétion-Ville mais habite Delmas. Il est vrai que je ne sais pas grand-chose du code de la route, mais je conduis très bien. D’ailleurs, en trois ans, je n’ai eu aucun accident. » 

Après avoir perdu récemment son emploi, Stephenson, père de cinq enfants, a décidé de réparer son vieux camion dont le moteur n’a pas tourné depuis six ans. Sa présence au Service de la circulation est pour rencontrer un policier à qui il a versé 7 500 gourdes pour obtenir un permis type B (poids lourd). Accroupi sous un soleil à l’instar de beaucoup d’autres, l’homme de 55 ans attend impatiemment l’agent. Stephenson, qui n’a jamais fréquenté d’auto-école, va se lancer dans le transport en commun, en effectuant le trajet Port-au-Prince/Belladère (sa ville natale). 

Auto-école : la voie sûre ? 

Les auto-écoles pullulent ces dernières années dans le pays. Dans la région métropolitaine, les séances pratiques se tiennent dans l’aire du Champ de Mars. Des particuliers offrent également des séances pratiques. Selon Pierre Marie Innocent, directeur d’une auto-école, il arrive que les apprenants ne veuillent pas toujours attendre la fin de la formation pour réclamer leur permis de conduire. Des dirigeants de certaines auto-écoles offrent aussi souvent le service avant la fin de la formation de l’apprenant. 

« La meilleure façon d’obtenir son permis est de passer par une auto-école, déclare Pierre Marie Innocent. Elle est plus pédagogique et plus sûre. Il y a des moniteurs formés avec des véhicules adaptés pour faciliter l’apprentissage (…). La formation des chauffeurs de camion devrait être plus longue et plus stricte, car conduire un camion est beaucoup plus compliqué. » 

Toutefois, il reconnaît que la méthode normale est plus longue et plus coûteuse. Quelqu’un qui veut se procurer un permis de conduire doit d’abord suivre une formation pendant cinq semaines et subir par la suite un examen théorique au Service de la circulation ou au local de l’auto-école. Très souvent, l’apprenant est aidé de quelqu’un de l’établissement qui lui glisse des réponses à certaines questions afin de réussir le test. 

L’apprenant doit patienter entre 15 et 22 jours pour obtenir les résultats. S’il réussit, le Service de la circulation lui délivrera un permis d’apprendre qui lui permettra de prendre le volant avec l’accompagnement d’un moniteur. Une fois qu'il termine les séances pratiques, il devra retourner au Service de la circulation pour subir un examen pratique afin d’obtenir son permis de conduire (type A). 

Et pour les motards ?

 Ce responsable d’auto-école se pose aussi la question. Depuis les cinq ans qu’il dirige son centre de formation, il n’a jamais reçu d’apprenants qui veulent conduire une moto. Alors que les motocyclettes sont plusieurs dizaines de milliers dans le pays. « Au service de la circulation on délivre beaucoup de permis de type C, fait remarquer Jean-Marie Innocent. Où tous ces chauffeurs de moto ont-ils appris à conduire ? Maîtrisent-ils le code de la route ? Connaissent-ils les règles élémentaires de sécurité routière ? » 

La réalité est que des chauffeurs stationnent n’importe où et n’importe comment, empruntent sans hésitation des voies à sens contraire, brûlent incessamment les feux rouges… Conduire à Port-au-Prince et dans d’autres régions du pays relève d'un véritable exercice. Ce n'est sûrement pas le meilleur endroit pour conduire.


Joubert Rochefort



Le carnaval au temps de Martelly

 Le Nouvelliste | Publié le : 27 février 2014

Chanteur à succès, roi du carnaval, devenu président, Michel Martelly a une drôle de façon de se souvenir de la liberté dont il jouissait sous les gouvernements aux yeux de qui il n’était pas particulièrement sympathique. Il n’a aucune mémoire de la licence qu’il avait des gouvernements qui lui pardonnaient toutes ses outrances.

Chef de l’Etat, Martelly a pris le carnaval en main. Il régente tout. Combien de carnavals par an, c’est lui. Les villes sièges de carnaval, c’est lui. La date du carnaval des Fleurs, c’est lui. Les orchestres autorisés à participer au carnaval, c’est lui. Les stands sur le pacours, encore lui. L’horaire du défilé, les honoraires des groupes, toujours lui.

Cette année, encore une fois, par sa seule décision, des groupes les plus populaires, dont les méringues cartonnent sur les ondes, resteront en rade du carnaval des Gonaïves.

Sous la présidence de Martelly, le carnaval est devenu l’expression d’une atteinte caractérisée à la liberté d’expression. Pas parce que l’Etat haïtien, pour faire plaisir, mieux, pour ne pas déplaire au président, refuse de choisir les groupes qui ne chantent pas assez la gloire des réalisations ou la vision du chef de l’Etat. Non. Ce qui est grave, c’est que les groupes non retenus ne peuvent pas se chercher des sponsors pour participer à la fête. Même populaires, avec de bonnes méringues et financés, pas de participation possible pour les orchestres qui n’ont pas ou plus grâce aux yeux du pouvoir.

En aucun lieu ou ville où c’est carnaval, ils ne peuvent faire danser le public. Toutes les rues de la République leur sont interdites. Pas un camion ne peut les transporter. Pas un cortège carnavalesque les accueillir.

 Martelly se la joue en mauvais prince. Il refuse de laisser le carnaval évacuer les critiques et les travers des dirigeants comme cette fête a toujours su le faire. On se demande, devant le score éclatant de ces méringues sur les radios et à la télévision, si le président ne va pas chercher à bloquer, l’an prochain, la diffusion des chansons qui lui déplaisent sur les radios, à la télé, sur le net, ici et dans le monde. La censure n’a jamais eu le sens de la mesure.

 Pendant ce temps, parce qu’il choisit à l’avance les orchestres qui lui plaisent et qui participent à ses carnavals, le président tue l’originalité et la recherche de sang neuf qui fait la force d’une bonne méringue carnavalesque. Les jeunes groupes et ceux qui ne sont pas en cour, plus de cinq cents, n’ont aucune chance de percer. Ils ne peuvent participer ni au carnaval national ni au carnaval des Fleurs. Le carnaval au temps de Martelly n’est plus ce qu’il était, ni ce qu’il doit être.

Frantz Duval 
duval@lenouvelliste.com
 Twitter:@Frantzduval

jeudi 27 février 2014

Prévenir les effets des changements climatiques en Haïti

Le Nouvelliste | Publié le : 25 février 2014
Le Bureau national de l’ozone du ministère de l’Environnement a procédé, mardi 25 février, à la distribution d’un lot de matériels à une cinquantaine de techniciens évoluant dans le domaine de la réfrigération et de la climatisation. Selon le coordonnateur du Bureau national de l’ozone, le docteur Fritz Nau, l’accès à ces matériels facilitera la régénération de la couche de l’ozone et l’atténuation des effets des changements climatiques.
Le ministre de l’Environnement, Jean François Thomas, et des représentants de l’Association des frigoristes
Tuyauterie de frigorigène, thermopompes et systèmes à absorption, matériel de distribution de l’air chauffé et refroidi, compresseurs rotatifs, alternatifs et centrifuges , tels sont les principaux matériels qu'ont reçu des techniciens frigoristes après plusieurs semaines de formation avec des spécialistes du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) sur les nouvelles technologies de réfrigération et de climatisation en décembre dernier. Selon Fritz Nau, cette formation a permis aux techniciens d’avoir une solide compréhension des éléments de réfrigération, des frigorigènes et des combustibles ainsi que des codes et des règlements. Aussi, il croit que ces matériels permettront aux frigoristes d’améliorer la qualité de leur travail en respectant les mesures de sécurité. « Les nouvelles technologies de réfrigération et de climatisation, explique-t-il, ont rendu le matériel extrêmement éconergétique. En conséquence, les personnes qui exercent ce métier doivent continuellement actualiser leurs compétences et leurs connaissances en réparation et en entretien de ces systèmes et des dispositifs électroniques connexes. Les techniciens en réfrigération et climatisation doivent être au courant de tous les règlements et codes régissant la manutention, la récupération et l’entreposage des substances qui appauvrissent la couche d’ozone ». A l’instar des grands pays industriels, Haïti entend également réduire les émissions de gaz à effet de serre. Selon le docteur Fritz Nau, les hydrochlorofluorocarbures couramment utilisés dans la climatisation domestique, commerciale et industrielle sont les principaux pollueurs qui dégradent la couche d’ozone et accélèrent les effets des changements climatiques. « 98% des substances appauvrissant l’ozone en Haïti se trouvent dans le secteur de la climatisation et de la réfrigération, explique-t-il. Pour prévenir les dégâts que peut causer les changements climatiques, il a fallu inculquer de meilleures pratiques en matière de gestion du froid aux techniciens frigoristes. Et aussi leur procurer des technologies alternatives pouvant protéger l’environnement. » Plus loin, le coordonnateur du Bureau national de l’ozone explique que plus de 20% de l’alimentation mondiale ainsi que la production du froid dans les hôtels, les hôpitaux et le transport se trouvent dans les systèmes réfrigérés. Selon lui, cette utilisation à outrance du froid implique la détérioration de la couche d’ozone et les changements climatiques qui sont des menaces environnementales majeures. « La réponse à cette double menace, dit-il, est de passer à des alternatives libres de potentiel d’appauvrissement de l’ozone, libres d’impact négatif sur le réchauffement global et pourvues d’efficience énergétique. » Dans la foulée, le ministre de l’Environnement, Jean François Thomas, se réjouit qu’Haïti ait ratifié la convention de Vienne et le Protocole de Montréal pour la préservation de la couche d’ozone. Il croit que la formation délivrée aux frigoristes par le PNUD en est le bénéfice. En outre, il indique que cette distribution de matériels permettra une nette diminution du coût d’exploitation des équipements frigorifiques et une transition ordonnée vers des technologies alternatives techniquement viables et économiquement accessibles. Toutefois, il entend prendre des dispositions afin de réduire l’émission des hydrofluorocarbures de 10% en 2015 et de 35% en 2020.
Joubert Rochefort
jrochefort@lenouvelliste.com