NATIONAL
Le
Nouvelliste | Publié le : 27 février 2014
Ils sont nombreux les conducteurs à ne pas pouvoir lire un panneau de
circulation ou ne maîtrisant pas le moindre principe du code de la route. Ils
sont aussi nombreux ceux qui détiennent un permis de conduire alors qu’ils
n’ont jamais été derrière un volant. Il suffit de se procurer entre 5 000 et 7
500 gourdes pour payer les services d’un policier ou d’un tiers.
Nicole, 32 ans, a renouvelé son permis de conduire
il y a déjà trois ans. Pourtant, elle ne sait pas conduire. La femme, qui
habite Delmas 24, avait tout simplement souhaité s’acheter une voiture quand un
ami lui a proposé de lui octroyer un permis. En trois jours, Nicole avait
effectivement son document en main après avoir payé quelque 4 000 gourdes à
l’époque, dérogeant aux procédures administratives qui, selon elle, sont un peu
compliquées et trop lentes.
Jacqueline n’a pas non plus fréquenté une auto-école
pour obtenir son permis de conduire. Elle n’a à subir non plus un quelconque
test au Service de la circulation. Elle sait au moins conduire et roule sa
Toyota Rav 4 blanche depuis tantôt trois ans qu’elle l’a achetée après avoir
trouvé un emploi en 2011. « Mon frère m’a appris à conduire, confie Jacqueline.
Par la suite, j’ai payé à 7 500 gourdes les services d’un policier qui m’a
livré le permis au bout d’une semaine.»
« Les tralalas théoriques des auto-écoles et les
procédures administratives sont lassants et prennent trop de temps, estime
Jacqueline, qui travaille à Pétion-Ville mais habite Delmas. Il est vrai que je
ne sais pas grand-chose du code de la route, mais je conduis très bien.
D’ailleurs, en trois ans, je n’ai eu aucun accident. »
Après avoir perdu récemment son emploi, Stephenson,
père de cinq enfants, a décidé de réparer son vieux camion dont le moteur n’a
pas tourné depuis six ans. Sa présence au Service de la circulation est pour
rencontrer un policier à qui il a versé 7 500 gourdes pour obtenir un permis
type B (poids lourd). Accroupi sous un soleil à l’instar de beaucoup d’autres,
l’homme de 55 ans attend impatiemment l’agent. Stephenson, qui n’a jamais
fréquenté d’auto-école, va se lancer dans le transport en commun, en effectuant
le trajet Port-au-Prince/Belladère (sa ville natale).
Auto-école
: la voie sûre ?
Les auto-écoles pullulent ces dernières années dans
le pays. Dans la région métropolitaine, les séances pratiques se tiennent dans
l’aire du Champ de Mars. Des particuliers offrent également des séances
pratiques. Selon Pierre Marie Innocent, directeur d’une auto-école, il arrive
que les apprenants ne veuillent pas toujours attendre la fin de la formation
pour réclamer leur permis de conduire. Des dirigeants de certaines auto-écoles
offrent aussi souvent le service avant la fin de la formation de l’apprenant.
« La meilleure façon d’obtenir son permis est de
passer par une auto-école, déclare Pierre Marie Innocent. Elle est plus
pédagogique et plus sûre. Il y a des moniteurs formés avec des véhicules
adaptés pour faciliter l’apprentissage (…). La formation des chauffeurs de
camion devrait être plus longue et plus stricte, car conduire un camion est
beaucoup plus compliqué. »
Toutefois, il reconnaît que la méthode normale est
plus longue et plus coûteuse. Quelqu’un qui veut se procurer un permis de
conduire doit d’abord suivre une formation pendant cinq semaines et subir par
la suite un examen théorique au Service de la circulation ou au local de
l’auto-école. Très souvent, l’apprenant est aidé de quelqu’un de
l’établissement qui lui glisse des réponses à certaines questions afin de
réussir le test.
L’apprenant doit patienter entre 15 et 22 jours pour
obtenir les résultats. S’il réussit, le Service de la circulation lui délivrera
un permis d’apprendre qui lui permettra de prendre le volant avec
l’accompagnement d’un moniteur. Une fois qu'il termine les séances pratiques,
il devra retourner au Service de la circulation pour subir un examen pratique
afin d’obtenir son permis de conduire (type A).
Et pour
les motards ?
Ce
responsable d’auto-école se pose aussi la question. Depuis les cinq ans qu’il
dirige son centre de formation, il n’a jamais reçu d’apprenants qui veulent
conduire une moto. Alors que les motocyclettes sont plusieurs dizaines de
milliers dans le pays. « Au service de la circulation on délivre beaucoup de
permis de type C, fait remarquer Jean-Marie Innocent. Où tous ces chauffeurs de
moto ont-ils appris à conduire ? Maîtrisent-ils le code de la route ?
Connaissent-ils les règles élémentaires de sécurité routière ? »
La réalité est que des chauffeurs stationnent
n’importe où et n’importe comment, empruntent sans hésitation des voies à sens
contraire, brûlent incessamment les feux rouges… Conduire à Port-au-Prince et
dans d’autres régions du pays relève d'un véritable exercice. Ce n'est sûrement
pas le meilleur endroit pour conduire.
Joubert Rochefort
Valéry Daudier
vdaudier@lenouvelliste.com
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