vendredi 11 avril 2014

Jimmy-Jean Louis en deuil

Le Nouvelliste | Publié le : 10 avril 2014
L’acteur Jimmy Jean-Louis est en deuil. Son père, Louis L’Ephène Jean-Louis, 78 ans, est mort ce jeudi 10 avril, quatre jours après avoir été blessé par balle à l’abdomen par des bandits armés circulant à moto. Bouleversé, Jimmy Jean-Louis, « René l’haïtien » dans « Heroes », Toussaint Louverture depuis le film de Philippe Niang « encaisse, encaisse ». 

 6 avril 2014. 8heures 22 pm. Quelque part à Tabarre, en face de l’hôpital de référence de Médecins Sans Frontières pour la chirurgie et les traumatismes, cinq chauffeurs de taxis-motos dansent. Le petit speaker monté sur un Jialing rouge crache les notes d’une Bachata. Comme souvent, un souffre-douleur, en espagnol, chante sa mélancolie à cause du départ de sa dulcinée. On marmonne le refrain. Cervantès se retourne dans sa tombe.

 Le vent, soudain, se lève et rajoute une nouvelle couche de poussière sur le visage de Jimmy Jean Louis. Short blanc, T-shirt, sandales, un chapeau sur la tête, le seul acteur haïtien a tourné dans les grosses productions cinématographiques à Hollywood comme « Heroes », « Les larmes du soleil » avec Bruce Willis, Monica Bellucci ou « Hollywood homicide » mettant en vedette Harrison Ford, Josh Hartnett, attend.

 Il n’est pas là pour un casting. Il n’est pas face à la caméra. Pas cette fois pour celui qu’on associe à Toussaint Louverture depuis le film de Philippe Niang sur le précurseur de l’indépendance d’Haïti. Jimmy Jean-Louis est spectateur d’un drame du film de sa vie. Son père, Louis L’Ephène Jean-Louis, 78 ans, est dans le bloc opératoire. Il a reçu une balle à l’abdomen. Quelques heures plus tôt, non loin de chez lui à Torcel les (Blvd 15 octobre), le septuagénaire a eu la malchance d’être là au moment où deux individus armés circulant à moto braquaient la petite épicerie d’un de ses amis. Il ne représentait aucune menace.

 Angoissé, l’acteur Jimmy Jean-Louis se montre fort, masque ses larmes. Pour donner le moral à sa mère. Au compte-gouttes, les informations arrivent. Dans l’attente de la sortie du bloc vers l’unité de soins intensifs, Jimmy Jean-Louis sort son Smartphone. Il avait tourné le matin même une vidéo. En quelques secondes, des images de son père debout entrant sur la galerie de la maison familiale défilent. Le papa, grommelait, avec une pointe de remords de ne s’être pas réveillé à temps pour aller à l’église. Son sommeil était plus lourd que d’habitude.

 Jusqu’aux dernières heures de la nuit, l’Haïtien de « Heroes» a attendu la sortie de son père du bloc. Le lendemain, aux premières heures du 7 avril, Jimmy Jean-Louis fait son devoir, honore une obligation. Il enfile un costume de Madeline Ledan, représente Toussaint Louverture. Aux cotés du chef de l’Etat, Michel Joseph Martelly, du Premier ministre Laurent Salvador Lamothe pour une offrande florale à la mémoire de Toussaint Louverture. Il ne crie pas sa douleur, celle de sa famille sur tous les toits.

 Ce jeudi, quatre jours après l’attaque, Louis L’Ephène Jean-Louis succombe. Joint au téléphone, Jimmy Jean-Louis, encore sous le choc parle peu. « J’encaisse, j’encaisse », dit-il, particulièrement inquiet pour sa mère. Et pour cause. Les paupières enflées, elle hurle sa douleur, son incompréhension. Une chemise de son mari autour du thorax, elle interroge Dieu, exprime une préférence. « J’aurais préféré que L’Ephène se casse un orteil en marchant dans la cour. J’aurais aimé qu’il meure dans son lit, ici », se lamente la mère de Jimmy Jean-Louis. Sur ses lèvres, entre des pleurs et des pincements pour se convaincre d’être dans la réalité, elle explique avoir été assommée. Son mari, pleure-t-elle, était son père, son compagnon.

Celui qui, immigré en France, à Choisy-le-Roi- dans le Val-de- Marne, avait fait venir son fils alors âgé de 12 ans. Louis L’Ephène Jean Louis, très attaché à Haïti, avait laissé la France quelques années après. Son fils, Jimmy Jean-Louis était resté en Europe où il a débuté sa vie professionnelle entre danse, mannequinat et cinéma jusqu’à sa reconnaissance internationale et nationale notamment après le film « le président a t-il le sida » du réalisateur haïtien Arnold Antonin.


Aux cotés de Jimmy Jean-Louis, papa, désormais, manquera à l’appel.
Roberson Alphonse
robersonalphonse@lenouvelliste.com



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